Dans le cadre du plan vigie pirate, il est préférable, dans la mesure du possible, de venir sans sac. Merci de votre compréhension.
A distances, c’est l’histoire d’un homme qui nous invite à entrer dans une chambre secrète où vit tout ce qu’il a dans la tête : des mécanismes à rumeur, des tabourets danseurs, des verres taquins… Seul en scène - avec l’aide de son servant - il agit sur des dispositifs poétiques qui produisent tout autour de lui des événements visibles et sonores. Certains sont accompagnés des mots de Paul Valéry ou de Jean-Pierre Brisset. Il a, à portée de regard, un monde à sa mesure ; tout un monde d’événements en attente qu’il peut déclencher et animer, retenir et arrêter ; un monde en suspens à portée de la main qu’il semble pouvoir contrôler ; un monde-réservoir de faits, plein de surprises et d’attentes, de prévisions réalisées (de prévisions déçues aussi), avec quelques catastrophes possibles. Insolite et drôle…
A Distances est un spectacle composé de 7 pièces brèves : Le bruit des choses dites (théâtre sonore), Figure, Considère la surprise, La queue ose et les faits (aventure cinématographique), Like birds i’ the cage (armoire à phonèmes d’après William Shakespeare), Figure et Débrouiller la durée (extraits du journal de Paul Valéry).
Jean-Pierre Larroche : écriture, conception et interprétation / Thierry Roisin : écriture et mise en scène / Benoît Fincker : écriture, lumières et son / Balthazar Daninos : assistant à la mise en scène / Marion Lefebvre : interprétation / Michel Musseau : musique de la pièce n°4 / Jacotte Sibre : costumes / Anne Ayçoberry, Jeanne Gailhoustet, Pascale Hanrot et Jérémy Garry : collaboration à la réalisation / Christian Merlhiot : caméra / Les Ateliers du spectacle : fabrication du dispositif / François Bancillon, Sylvain Georget, Vincent Guillot et Salvatore Stara : aide
Quelques images...
La presse en parle...
Le soupçon de magie est inhérent au théâtre. Ce n’est pas pour rien que, longtemps, on excommuniait les comédiens, qui étaient enterrés de nuit. Mais quand on voit A distances, au Théâtre de la Cité internationale, on se dit que le soupçon de magie est une faribole en regard de la magie du soupçon qui rend ce spectacle unique de quoi envoyer son auteur. Jean-Pierre Larroche, non pas enfer, mais dans des limbes éternels. Ce qu’il fait sur scène est si étonnant qu’on s’épuiserait en vain à vouloir le relater d’une manière rationnelle. Pour en avoir une idée, il faut imaginer que vous entrez dans la chambre secrète d’un homme, et que cette chambre, par magie, justement, a le pouvoir de faire naître et vivre ce qu’il y a dans la tête de cet homme. Et cela n’est jamais loin de l’enfance, avec ses étonnements devant les objets, le langage et soi-même, tous « à distances ». Mais à distance de quoi ? Telle est la question que pose Larroche, architecte et sténographe, associé au metteur un scène Thierry Roisin. Pour mettre les spectateurs en condition, il leur est demandé de regagner la salle via un parcours sinueux le long de rideaux noirs. Puis ils s’asseyent, face à la scène habitée par une foule d’objets des lampes, une armoire et des tabourets, sur lesquels sont posées des assiettes. Arrive un homme vêtu à la manière Grand Siècle, qui souffle dans une longue corne. C’est l’aide du magicien, Jean-Pierre Larroche, tapi dans le noir, et bientôt occupé à toutes sortes de manipulations dont vous ne vous rendez pas toujours compte. Parce que vous, sur vos gradins, vous voyez un tabouret dont un des pieds se met à chanceler, jusqu’au moment où l’assiette posée sur son assise tombe. Sans se casser. Et voilà le tabouret qui plie ses pattes, cherche à récupérer l’assiette, puis reste là, à la regarder, car ce tabouret a l’air tout à fait animé. Evidemment, c’est vous qui le voyez comme cela, parce que Jean- Pierre Larroche, qui manipulait des fils invisibles a réussi à vous faire entrer dans son imagination. Il a la tête fertile, cet homme-là, qui maintenant peint son visage, en direct sur un grand panneau blanc, avec des pinceaux tenus à bout de bras, tandis qu’il se regarde dans une toute petite glace comme on en mettait au-dessus des éviers, à la campagne, pour se voir un peu mais pas trop (c’était péché). Il est aussi capable de vous faire entendre une réplique du Roi Lear en faisant sortir les mots de Shakespeare d’une armoire (il faut le voir pour le croire). Et puis, il sait discuter avec une carafe et un verre d’eau qui ont lu le Journal de Paul Valéry. En plus, il a un double, minuscule et filmé, et c’est incroyablement drôle, la bagarre qu’il lui livre. Ne serait-ce pas la bagarre d’un homme qui voudrait se tenir à distance et qui finit par nous regarder droit dans les yeux ?
Le Monde / Brigitte Salino
Ce que Jean-Pierre Larroche parvient à isoler, c’est l’essence même de l’acte de création . Soit un homme assis tout au bout d’une longue table. Une carafe d’eau et un verre sont posés à l’autre extrémité. L’homme a soif. Il ne veut pas ou ne peut pas se lever. Etant donné qu’il ne dispose d’aucune aide extérieure, comment doit-il s’y prendre pour : a) remplir le verre ? b) l’amener jusqu’à ses lèvres ? C’est sur cette expérience amusante que Jean-Pierre Larroche, architecte, scénographe et plasticien, conclut A distances, spectacle en sept épisodes mis en scène par Thierry Roisin. Humour. Pour les spectateurs, le plaisir se situe à plusieurs niveaux. Comme avant les numéros de prestidigitation, on sait qu’il va y avoir un truc sans deviner lequel. Larroche n’étant pas magicien, il offre assez vite la solution : il suffit de quelques fils dans les mains d’un manipulateur expert. Le suspense change donc de nature : on passe du « Comment va-t-il faire ? » au « Pourvu que ça réussisse », de la perplexité à la crainte de l’accident (« Tombera, tombera pas ? ») Mais il n’y a pas que l’avancée du verre sur la table qui mobilise l’attention. Tout en regardant, on écoute un extrait du Journal de Paul Valéry, où l’écrivain réfléchit sur le temps et sa conscience. Du texte ou de la manipulation, impossible de dire lequel illustre l’autre. Reste un climat d’humour et de tension qui est la marque de tout le spectacle. A distances est conçu comme une exploration de l’intervalle entre l’effet et la cause. Le plus souvent au fond du plateau, l’artiste le marionnettiste, Larroche lui-même, tire les ficelles d’un espace d’apparence chaotique où l’on remarque, parmi beaucoup d’autres objets, des assiettes et des tabourets. Il est parfois aidé d’un serviteur aussi silencieux que stylé, en livrée dix-huitième (Jérémie Garry). Les assiettes se brisent, les tabourets s’effondrent selon des critères qui, bien que prévisibles, n’en font pas moins rire petits et grands. Ce que Larroche met à distance, c’est l’intention et l’action. Et ce qu’il démontre, très simplement, en une série de manipulations qui font aussi appel à la peinture, à la vidéo, à l’amplification sonore, c’est que seul ce décalage peut déclencher les ressorts poétiques, tragiques, comiques propres à l’œuvre d’art. Ce que Larroche parvient à isoler, c’est l’essence même de l’acte de création, en le soustrayant à ce que nous croyons être le cours naturel du temps. Valéry toujours : « Puisque les choses changent, c’est donc qu’on ne les perçoit qu’en partie. On appelle temps cette partie cachée, toujours cachée, de toute chose. » Cette partie « toujours cachée », c’est aussi la raison d’être du théâtre.
Libération / René Solis
Illusionniste ou manipulateur, Jean Pierre Larroche condense en poésie brute toute la distance qui sépare la réalité du rêve. Renversant. Comme chaque fois qu’une découverte nous bouleverse (au sens euphorique de la renverse), les mots nous manquent, les mots sont pauvres. Étriqués. Si je vous dis que Jean Pierre Larroche est manipulateur scénographe, architecte, c’est selon..., vous associez illico cela au marionnettistes ou au théâtre d’objets (et là on sent le spectateur averti). Mais Jean-Pierre Larroche est un cas, donc inclassable. En un peu plus d’une heure, nous aurons vu une drôle de machine, récalcitrante à mélanger liquides et solides, manipulée à plus de quatre mètres de distance sans qu’un seul fil ne s’embrouille, les tabourets des sept nains crouler, se dandiner ou s’affaisser sous des piles d’assiettes et une plume échappée de Walt Disney, deux autoportraits géants peints en live, chorégraphie coulante et écroulante, où la géniale course-poursuite entre Larroche et son double miniature, image filmique se glissant dans les airs, s’accrochant au moindre support - feuille blanche, habits ou bloc de glaise...Et chaque fois, Jean Pierre Larroche aura conjuré le mauvais sort réservé aux illusionnistes en réfutant sous nos yeux la sacro-sainte loi de la cause et de l’effet. Résultat : à force de déjouer notre attente, il la comble d’autant mieux. Dans la distance, c’est moins l’éloignement qui compte que la tension exercée entre les points de départ et d’arrivée. C’est même là que tout se joue : le mouvement ou la fixité, le déplacement ou l’immobilité. C’est avec ce genre de remise en cause des présupposés les plus logiques que Larroche nous enchante durant les sept tableaux qui composent son nouvel opus, « A distances ». Qu’y a-t-il de si extraordinaire dans ce spectacle ? La vérification, par le renversement, de la définition de l’humour selon Bergson : du mécanique plaqué sur du vivant. Avec Larroche, ça donne : du vivant plaqué sur du mécanique. De la poésie brute, voilà ce qu’il fait avec son armoire à phonèmes (des étagères remplies d’objets) : car, ce rébus visuel qui nous restitue carrément une tirade du roi Lear de Shakespeare nous a fait découvrir l’objet synonyme. A l’inverse des mots, cet objet répond à des phonèmes différents, pour le même sens, selon le son dont a besoin notre homme. Rien que pour ça, on perd toute distance, tout sens critique. Larroche, maintenant qu’on l’a découvert, on ne va plus le lâcher...
Les Inrockubtibles / Fabienne Arvers
Dès 12 ans - 1h20 - 14 € / 11 € / 8 €
Mentions coproduction, soutien, partenariat et aide : Cie Beaux Quartiers / Vélo Théâtre Apt / Massalia Théâtre de Marionnettes Marseille / Théâtre de Cornouaille Quimper / Théâtre de la Marionnette à Paris / ADAMI / Ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Ile-de-France / Christian Narcy (Société Les Ateliers du Spectacle) / Théâtre du Soleil / Julie Bernard / Mme Chion / Jean Michel Marchais / Daniel Michel / Napo / Sylvie Papandréou / Gérard Pistillo.
Crédits photographiques : Pascal Maine